Hommage à Patrick PLAINE

Patrick PLAINE nous a quitté le mardi 27 novembre 2012. Fin des années 70 il avait eu la gentillesse de me confier un exemplaire du compte-rendu qu'il avait écrit à la suite de son 5ème Tour de France Randonneur effectué en 1974. Voici le titre choisi par Patrick et l'intégralité du contenu tel qu'il l'avait rédigé : 

" LE TOUR " ECOLE DE SOUFFRANCE - AOUT 74  

( récit réservé aux randonneurs confirmés ) 

          1 ère étape : BELLEGARDE (Ain) - GUILLESTRE (Htes alpes) 415 km

         Parti à 4H sous la pluie (qui devait durer jusqu'à Albertville) sur une N 206 oh combien dangereuse ... Dernier regard vers la maison paternelle et c'est la route monotone (trop connue) vers EVIAN (contrôle). De retour à THONON j'aborde la montée N 202 des gorges de la DRONSE, longue grimpée qui mène aux GETS (1163 m) où la pluie se change en neige (au mois d'août). Le froid me paralyse descente prudente sur CLUSES où la chaussée glissante calme l'ardeur ...

          Nouvelle montée vers la station de MEGEVE, où je perds du temps pour obtenir le visa-contrôle. Puis c'est la descente à travers les gorges de l'ARLY où je dois me servir de mes semelles pour suppléer le manque d'efficacité des freins.

          Enfin ALBERVILLE ou je peux me réchauffer au troquet du coin.

          Reprise de la route par la N 525 (pratiquement déserte) pour rejoindre la N 6 à MONTGIBERT. La pluie vient de cesser. Suivant l'ARC je roule à bonne cadence (vent favorable). A ST MICHEL DE MAURIENNE première grosse difficulté avec l'ascension du GALIBIER par le TELEGRAPHE (plus coriace par ce versant). Le ciel est maintenant découvert et le soleil rayonne. Après une excellente escalade, j'aborde la descente (rapide) vers BRIANCON où la nuit est déjà là. Dernier ravitaillement et j'attaque l'IZOARD ...

          Grimpée insolite dans les ténèbres où seules les étoiles guident ma lente progression. Au sommet j'enfile mon survêtement (eh ! c'est quand même à 2300 m). Mise en marche de la dynamo puis c'est la descente sur CHATEAU QUEYRAS où je poste ma carte-contrôle. Continuant sur ma lancée j'arrive à GUILLESTRE et malgré l'heure tardive (24H) je peux satisfaire au pointage. C'est la fête au village et je dois rouler encore quelque peu sur les hauteurs pour trouver refuge sous une grange avec un bon coin de paille (chose qui sera rare pendant mon périple ... )

          2 ème étape : GUILLESTRE (HTES ALPES) LA MOLE (Var) 329 km

         Reparti sous une brume légère avec une température frisquette je poursuis l'ascension du col de VARS (pointage au village). Descente pénible sur BARCELONNETTE où je dois stopper ( à la CONDAMINE) souffrant d'onglée aux mains. Puis c'est la grimpée du col d'ALLOS (sans bavure) descente très rapide le long du Verdon vers COLMARS et de nouveau la route s'élève à travers la forêt vers le col de la COLLE ST MICHEL. Peu de circulation et pédalier efficace.

          A ENTREVAUX le vent se lève, soufflant par bourrasque sous une chaleur accablante. Ravitaillement à PUGET-THEMIERS, progression difficile en suivant le Var sur la traditionnelle N 202 direction NICE. Après le contrôle, changement d'orientation EST-OUEST. Comme prévu, la circulation est intense sur la N 7, en longeant la baie des anges. Bouchon et rebouchon ... roulant entre les deux files tantôt à gauche, tantôt à droite parfois sur les trottoirs, tout est permis pourvu que les roues tournent, mais que de temps morts. Traversée des habituelles villes estivales (sans espoir d'une sieste) ANTIBES, JUAN LES PINS, CANNES, puis la corniche de l'ESTEREL où le dérailleur se fait solliciter puis ST RAPHAEL (contrôle) N 98, ST MAXIME, COGOLIN, où j'arrête pour le repas du soir ... pris sur l'herbe. Je décide de poursuivre dans la nuit, poussé par la curiosité d'un feu de forêt qui prend des dimensions. C'est peut-être sinistre mais celà est d'une beauté inouie, et quel parfum étrange ...

          Ne trouvant pas la cache idéale je devrai me contenter d'un abri (vente de fruits) le long de la N 98 eau courante, parking privé, sol en bois. Hum ! c'est pas mal.

          3 ème étape : LA MOLE (VAR) BEZIERS (Herault) 353 km

          Après une mauvaise nuit (circulation) je reprends très tôt la route, TOULON est atteint au petit matin et le contrôle s'avère difficile ... N 8 sur le CASTELLET où son célèbre circuit P. RICARD me donne une certaine accélération. COL DE L'ANGE sous un soleil déjà prometteur, puis entrée par AUBAGNE dans MARSEILLE (dernière ville que j'aimerais traverser, pavés, sens interdits, détours, résultats :  perte de temps et nerfs en boule ...) Passons, passons.

          Ravitaillement musette à MARTIGUES (prunes et pêches) vent favorable sur ARLES, puis la N 572 à la circulation infernale vers MONTPELLIER (délicate traversée). Suivant les plages du golfe du LION avec délice FRONTIGNAN (5 km de pare chocs) SETE où un genou commence à coincer puis AGDE et BEZIERS dans la nuit. Stoppant face à la gare (sous l'oeil ricaneur des badauds) pour dévoiler ma roue arrière (2 rayons cassés) je camperais 5 km plus loin sur les hauteurs de la ville dans une cabane de cantonnier (aucun confort mais à l'abri du vent qui souffle en rafale). 

          4 ème étape : BEZIERS (HERAULT) TARASCON (ARIEGE) 270 km

           Nouvelle mauvaise nuit où le vent soufflant en tempête me donne beaucoup de mal pour trouver le sommeil. Pour se remettre N 9 (sur NARBONNE) , vent de face, camions flottants et genoux craquants ... avec une selle douloureuse, voilà qui promet ... Après le calvaire de la N 9 j'arrive à PERPIGNAN (contrôle, déjeuner).

           Je suis le TET par la N 116 en directon de PRADES sur une route surchauffée et goudronnée, vent défavorable. La selle nécessite des soins de plus en plus fréquents (peau déchirée et suppurante). Grimpée à MT LOUIS sous la canicule et à SAILLAGOUSE j'ai l'impression d'être tout près de la défaillance (arrêt pharmacien) puis je poursuis vers BOURG-MADAME, contrôle rafraîchissement que j'oublie de payer (ça arrive même aux gens honnêtes ...) et commencent les 27 km d'ascension du PUYMORENS (1er calvaire) où les genoux cèdent, surtout le droit, souffrant à chaque tour de pédale. Vais-je devoir renoncer ! ... Bientôt le sommet, non ce n'est que le PORTE encore 5 km. Mon Dieu que je souffre ... Ah enfin le col ...

          La descente sera toute aussi éprouvante. A AX LES THERMES je tourne dans la ville en quête d'un boulanger, en vain ... puis d'un coordonnier (pour mes cales de chaussures). Après 3/4 H, ayant laissé mes rhumatismes articulaires se reposer, je reprends péniblement le cours de l'ARIEGE en direction de TARASCON (tirant la dynamo à 10 à l'heure) le moral est bas, ne trouvant rien à l'horizon j'arrête la monture sous un réverbère où dans mon duvet j'essaie de trouver un sommeil réparateur.

          5 ème étape : TARASCON (ARIEGE) STE MARIE DE CAMPAN (Htes PYRENEES)

          Selle en compote et genoux grinçants, j'entreprends l'ascension du col de PORT (facile en temps normal, mais aujourd'hui çà parait être du 30%). A ce sommet je me laisse glisser sur MASSAT, et au contrôle je fais la connaissance de deux cyclos lyonnais qui font le tour en sens inverse.

          Pour ne pas perdre le coup de main nous partons sans payer l'aubergiste, heureusement nous nous rattrapons à temps, heureusement pour lui. Attention à la prochaine !!! Et je reprends la route sur les georges de RIBAOUTO vers ST GIRONS, N 618 avec le traditionnel petit détour par CASTILLON (postage d'une carte contrôle). Montée du col de PORTET D'ASPET sous la canicule, où malgré les genouillères les genoux réclament la prudence ... Cette année j'innove avec l'ascension du col de MENTE (cher à OCANA). A 5 km du sommet rencontre d'un habitué de la région (50ème édition) qui me remorque jusqu'au col en passant en tête "Merci et bonne route" ...

          Sur l'autre versant vers MARIGNAC, une descente aux enfers, bouche grande ouverte j'arrive à peine à respirer. La chasse aux canettes se fait pressante malgré un régime de fruits depuis trois jours. Voilà LUCHON.

          6 ème étape : STE MARIE DE CAMPAN (HTES PYRENEES) EYHARLE (BASSES PYRENEES) 224 km

          Après la désastreuse étape d'hier, le moral est toujours aussi bas car aujourd'hui les deux grands cols Pyrénéens sont au programme. Premièrement le TOURMALET (ma plus coriace ascension). Souffrant de tout mon être, grignotant cm par cm à LA MONGIE je crois voir venir la fin ... les genoux refusent tout service, j'en pleure comme un gamin. Puis une idée me vint "boire l'eau à même la roche" 1/2  litre d'eau ... et c'est le miracle qui se produit, je peux à nouveau bouger mes articulations. "Merci mon Dieu je vous dois beaucoup". Bientôt le sommet sous un ciel dégagé. Descente sur LUZ (terrible presque sans un coup de patin) l'absence de circulation y étant pour beaucoup. Mais en bas je dois attendre 1/2 heure avant de pouvoir réutiliser mes roulements. Direction ARGELES sur les gorges de LUZ (ravitaillement) et en avant pour la dernière difficulté "L'AUBISQUE" Oh ce ne fut pas une merveille mais ça s'améliore, arrivant à rattraper un pépé de 60 ans juste avant le sommet (est-ce un exploit !).

          A GOURETTE (contrôle) je stoppe à regret ma monture (arrêter un élan c'est néfaste) puis je retrouve la vallée avec un certain sourire, le soleil y chauffe comme dans une étuve, la gorge sèche j'éponge un litre d'évian fruité ... sec ! (une imprudence à ne pas copier car un quart d'heure après on a toujours aussi soif). Voilà OLORON, arrêt chez un pharmacien cyclo vu mon état critique il veut m'hospitaliser pour la selle ... Une fourmillère de furoncles ... "Non merci je continue" "Mais MERCKX lui se soigne bien"

1) je ne suis pas MERCKX

2) l'abandon connais pas ...

          Et je me sauve retrouvant du même coup une certaine aisance ... (est-ce la peur de voir apparaître l'ambulance). MAULEON nouvelle rencontre de deux cyclos de ST LO (le pays) LEDUNOIS (le chevelu) bien connu de nos amis les ENGLISH .... 1/4 H de bavardage et bon courage pour les PYRENEES. COL d'OSQUICH (petit dernier) ST JEAN PIED DE PORT à la tombée de la nuit (achat de victuailles) 11 km plus loin je stoppe à l'entrée du village d'EYHARLE (sous un abri d'autobus). Bonne nuit et peut-être à demain.

          7 ème étape : EYHARLE (BAS. PYRENEES) MIRAMBEAU (CHARENTE MARITIME) 290 km

          La matinée est fraîche je suis la NIVE en direction de CAMBO (genoux forts douloureux) A BAYONNE je fais les extérieurs comme les poids lourds, puis apparaissent LES LANDES brumeuses toujours aussi monotones. Par deux fois j'irai au fossé (sans dommage). A BORDEAUX j'évite de nouveau la ville, la chaleur est écrasante (coca-cola soyez béni). Voici ST ANDRE DE CUBZAC célèbre pour ses bouchons ... vous savez lesquels ! Je stoppe chez un vélociste pour l'achat de rayons et un sabottier pour remettre mes cales (il faut trouver l'occasion)

         N 137 ETAULIERS (dernière épicerie ouverte) il fait nuit et je poursuis vers MIRAMBEAU sur un parcours vallonné à souhait "les genoux désenflent çà va mieux Merci". Chocolat chaud au contrôle et hop je me glisse dans l'ancienne salle de théatre de la ville. Aujourd'hui on y joue "le repos du guerrier".

         8 ème étape : MIRAMBEAU (CHARENTE MARITIME) NANTES (LOIRE ATL.) 300 km

         Début d'étape difficile pour changer ... les articulations sont en voie de guérison, mais une selle fragile comme de la soie ... Allons du nerf et voici ROYAN (contrôle) la circulation demeure fluide, l'allure est modeste et le vent est de face. Arrive ROCHEFORT, puis LA ROCHELLE à l'heure du midi il fait toujours très chaud. "Où est donc cette sacrée D 9 ah! il faut connaître ..."

         Route plate et sans relief jusqu'à LUCON (dîner à l'ombre d'un pommier) Canicule ou pas il faut poursuivre. Aux SABLES D'OLONNE le sommeil me gagne ... un coca et çà repart, 20 km à l'heure à peine, la route parait interminable sur AIZENAY (contrôle postal).

         Objectif de l'étape : NANTES, ce sera chose faite, tard dans la nuit. Juste avant la fermeture du MARIGNAN j'espère recevoir le fameux cachet : refusé ! et rappelé, excuses casse-croute et boisson gratuite avec le sourire des serveuses SVP !! "Mais ma parole ils me draguent" Heureusement je suis de marbre j'irai trouver refuge en agglomération sous une vieille masure délabrée, dans un coin un pucier "fais pas la grimace" celà me permettra peut-être de faire des rêves romantiques.

         9 ème étape : NANTES (LOIRE ATL.) BREST (FINISTERE) 312 km

        Après les soins quotidiens que vous savez je mets le cap sur BREST (çà fait un bout) N 137 quelconque, jusqu'à une autoroute où l'on respire du gas-oil à volonté (où sont mes montagnes ?) Déjeuner à LE TEMPLE de BRETAGNE puis suivre PONTCHATEAU, LA ROCHE BERNARD et son joli pont. Tac ! Encore un rayon de cassé : la roue est bloquée. Dommage : aucun rayon qui correspond ! tous trop courts ! Aïe, Aïe ! j'avais pourtant vérifié à ST ANDRE DE CUBZAC. Peut-être y a-t-il eu erreur chez le vélociste ? Pourtant je dévoile tant bien que mal et, malgré les 3 rayons manquants je repars sur VANNES (bouchon de 5 km) Nous sommes lundi et les vélocistes ouverts sont rares. A AURAY, après un tour de ville, je prends mon repas sur un banc (spécialité bretonne). Puis c'est HENNEBONT, LORIENT sous une forte chaleur et QUIMPER en soirée. A CHATEAUDUN je stoppe pour la première fois au restaurant ... Deviendrai-je gastronome ? Suite au retard pris, je décide de rouler de nuit. Ma roue joue du violon sur une dynamo récalcitrante "On avance quand même, Merci"

          Puis le secteur est garni de côtes avec des rafales de vent dans le nez. C'est pas de la tarte ! Au loin, j'aperçois la rade. Passage du pont. Attention à la casquette ! Et voici enfin BREST endormi, sauf une station-service qui contrôlera mon carnet de route.

          Pour la couchette, je la trouve à la sortie, vers GUIPAVAS dans un chantier de ferraille ... sur la banquette d'un ancien car de CRS (un peu moins dur que d'habitude).

          10 ème étape : BREST (FINISTERE) LA GOUESNIERE (ILLE ET VILAINE) 251 km

          Pas pressé de mettre le nez dehors, aujourd'hui ! çà caille ! Il le faut pourtant. Sur une selle douloureuse et un vélo désaxé, j'entame la traversée du FINISTERE. LANDERNEAU arrêt café. LANDIVISIAU : les côtes sont bonnes, merci ! puis MORLAIX en faisant les extérieurs. Peine perdue puisque je suis obligé de revenir dans le centre pour le pointage d'usage. Le calvaire se poursuit sur une infernale et dramatique N 12. Heureusement le soleil est toujours de la partie. Pour les genoux c'est primordial. A GUIMGAMP, achat de victuailles que je déguste quelques kilomètres plus loin dans un bois. 

          Reparti sur ST BRIEUC (contrôle) et perte de temps dans la traversée (une habitude !) LAMBALLE en vue ! J'opte pour la N 176 vers JUGON mais un peu plus loin, distrait ou pas, je saute la D 19 vers CORSEUL. Je n'ai plus qu'à suivre la direction de DINAN. Là encore je rêve et oublie la D 29 pour aboutir à  VIENNE BOURG "Vraiment çà ne colle pas, mon vieux" Le soleil, ou tout simplement la fatigue ? N 137 vallonnée jusqu'à ST MALO (20 km) ou je fais mon entrée par la petite porte. Moral désastreux et pourtant je me traînerai pendant 12 km pour trouver refuge dans une voiture, abandonnée là certainement pour le malheureux que je suis.

          11 ème étape : LA GOUESNIERE (ILLE ET VILAINE) GIBERVILLE (CALVADOS) 308 km

          Nuit fraîche au sommeil toujours escamoté ... Courbé en quatre je reprends possession de mon unique trophée. Lui aussi a dû souffrir de la rosée !

          Traversée de DOL DE BRETAGNE encore endormie et je fais mon entrée en NORMANDIE (ma patrie) dans la brume ... PONTORSON puis évitant AVRANCHES par LE QUENOY pour rejoindre la N 173 bientôt GRANVILLE, ville très estivale .... Le ciel se dégage laissant apparaître un soleil généreux. Direction le COTENTIN ! La circulation modeste et la pédalée honnête. A la HAYE DU PUITS pause casse-croûte à l'ombre d'un pommier. Sans sieste. Arrivée CHERBOURG où je pointe chez l'ami BLED (vélociste) achat de rayons mais toujours pas de couvre-selle en mousse. Retour vers VALOGNES (vent légèrement favorable) au parcours toujours aussi sélectif, sur une N 13 trop connue et dangereuse. 

          CARANTAN, ISIGNY SUR MER et son beurre. Enclenchement de la dynamo. Fatigué ou pas je décide de poursuivre jusqu'à CAEN (22 km). N'osant pas troubler le sommeil de la famille encore présente je stoppe ma monture 4 km plus loin dans un chantier en construction. Une plaque de NOVOPAN fera l'affaire.

          12 ème étape : GIBERVILLE ( CALVADOS) SOTTEVILLE LES ROUEN (SEINE MARITIME) 206 km

          Surpris au petit matin par des ouvriers, je dois quelque peu me dissimuler "On ne sait jamais" Je reprends la route dans la fraîcheur d'une brume pénétrante (une habitude !) et finis la traversée du CALVADOS par PONT L'EVEQUE et son port rustique. Détour par ST MACLOU pour changer et je rejoins la N 182 sur l'admirable PONT DE TANCARVILLE. Pas de péage pour les vélos. Souffrant énormément de la selle j'entre au HAVRE  à l'heure de midi. 

          Le soleil est très chaud et c'est avec bien du mal que je trouve une fontaine à LA REMUEE. Sur une route déserte (ça change) je file vers LILLEBONNE au souvenir lointain quand j'accompagnais mon père sur les marchés. 

          Malgré quelques belles côtes le moral est meilleur : l'air du pays sans doute. Suivant les rives de la SEINE par CAUDEBECet DUCLAIR je base ma cadence sur certains chalutiers. Puis c'est l'ultime plongée vers ROUEN (16H15) où je casse mon frein arrière juste devant un vélociste. J'en profite pour réparer et acheter une musette (éclatée auparavant).

          Réfléchissant sur les 14 jours prévus mais maintenant non réalisables je décide de rendre visite à la Tante. Oui, celle qui papote jusqu'à 24H ! ça vaut bien un repas et un lit chaud ...

          13 ème étape : SOTTEVILLE LES ROUEN (SEINE MARITIME) FOREST MORTIERS (SOMME) 305 km

         Après de multiples réparations allant du rayonnage aux soins de selle je repars avec foi (A propos, ma tante m'a confectionné une housse, hélas trop provisoire) et avec comme hors d'oeuvre la côte de Ste Catherine. T'en souviens-tu la Brambille ? Puis le brouillard m'accompagne jusqu'à MAGNY EN VEXIN où un café réchauffe mon corps gelé. Bientôt arrive la région parisienne : Porte Maillot avec un pointage dans le 16ème. Vite, demi-tour avant la sortie de 12H ! Repassant vers PONTOISE je file bon train vers MERU. Là je me "frugivore" selon mon habitude et je mets le cap sur BEAUVAIS (contrôle postal). Maintenant c'est la purulente N 1, cuisant au soleil. Tantôt balloté par les "TIR", tantôt grimaçant de douleur sur chaque imperfection de terrain "Faut-il aimer souffrir" !

          ABBEVILLE à 20h30. Allez, encore un peu. J'ai conservé en mémoire un hangar fort hospitalier, en bordure de route près de la forêt de CRECY. Là, je ne dérange personne et à moi la douceur du foin !

         14 ème étape : FOREST MONTIERS (SOMME) LOUVROIL (NORD) 310 km

          Oh Oh ! il est l'heure mon vieux Pat, il faut remettre çà ! Sortant de mon duvet à regret je reprends contact avec cette satanée N 1. Cap au Nord ! MONTREUIL, BOULOGNE SUR MER (arrêt chocolat) les côtes se succèdent avec vent favorable. CALAIS en vue ! Avec un rinçage d'oeil pour les dernières estivantes aoûtiennes. Puis voilà DUNKERQUE vers midi. Pointage et rebelote sur la N 42. A CASSEL ravitaillement musette sous un soleil torride. ARMENTIERES (te souviens-tu de certain passage nocturne ?) et LILLE à la traversée toujours délicate.

          Souvent sur de mauvaises routes, les douleurs de la selle s'aggravent et je pousse des cris de temps à autre. N'ayez pas peur, bonnes gens, ce n'est qu'un pauvre être de passage ! A VALENCIENNES, l'allure est modeste. Le soleil se couche et la brume tombe "Tu n'as pas encore fait tes 300 km, fainénant. Allez, pousse !" J'entre bientôt dans MAUBEUGE (pointage difficile) par un clair de lune de toute beauté, presque à ras du sol. Dommage que LACOURT ne soit pas là ! 4 km plus loin j'arrête le labeur. Pas de coin miracle, aujourd'hui "Donnez-moi mon Dieu ce qu'il vous reste" ! Un coin de béton sous un mélangeoir. Je prends. Merci !

          15 ème étape : LOUVROIL (NORD) CHATEAU SALINS (MOSELLE) 303 km

         Trahi par le froid, je repars à l'aube sur les bosses d'AVESNES avec un café à LA CAPELLE. Aujourd'hui, dimanche la circulation est dense. Bientôt le département des ARDENNES toujours aussi vallonné. CHARLEVILLE sous un soleil de plomb. Nouveau talcage des fesses. (souvent pris la main dans la culotte ... Non, messieurs les homos, vous faites fausses route ! ) Vient SEDAN puis CARIGNAN avec un coca-cola de circonstance. La canicule est là croyez-moi.

          Que cette N 381 me parait longue ! Je souffre maintenant atrocement des pieds. Que va-t-il rester de bon à l'arrivée ?

          Montée de MONTMEDY au ralenti et c'est LONGUYON (nouveau rafraîchissement). Pédalées saccadées et monotones. Je n'aime pas la région. Enfin METZ ! Ne me parlez surtout pas de sa traversée : je tourne toujours autant. N 55 à la circulation affolante avec les rentrées de week-end.

          Tirant la dynamo j'ai l'impression de faire du surplace et "j'en prends plein la vue pour pas un rond". Plus d'épicerie ouverte et toujours pas de crèche. Encore un effort jusqu'à CHATEAU-SALINS 21h30. Un seul bar ouvert. Un vrai poulailler ici ! Furetant dans la ville je prends possession des toilettes municipales, barricadées à l'aide du vélo. Le parfum est plutôt d'aventure, mais que voulez-vous ? 

          16 ème étape : CHATEAU SALINS (MOSELLE) L'ISLE SUR LE DOUBS (DOUBS) 305 km

           Respirant de nouveau l'air pur je m'enfonce dans la brume (vraiment pure ?) journalière. Direction SARREBOURG N 4 Montée ridicule du col de AVERNE. Dans la descente je casse mon cable de dérailleur "Me voilà chouette ! un lundi pour trouver un vélociste ouvert ... " Pleurant famine je fais les quatre coins de la ville, suivant les traces d'un coureur local il me conduit directement à la bonne porte "Un cable et des outils" Merci le Dieu du vélo vous le rendra.

          Malgré les deux heures perdues, les mains noires mais heureux je reprends contact avec la route et tel un enragé j'appuis de plus belle. Le vent est légèrement favorable. Il faut en profiter STRASBOURG (12h) Temps lourd et menaçant. Ravitaillement à la volée tout en admirant les jolies bourgades alsaciennes. Arrivent COLMAR (encore des pavés) puis MULHOUSE où je me fais bousculer par un automobiliste. Non, ce n'est pas encore mon jour !

          A BELFORT la nuit tombe, l'orage aussi d'ailleurs. A vrai dire ça me fait du bien. HERICOURT passé j'attaque le parcours sélectif d'ARCEY. Ca coince un peu mais ça passe. Descente sur l'ISLE SUR LE DOUBS sous la pluie et je trouve refuge sous un entrepôt de matériel de navigation.

          17 ème étape : L'ISLE SUR LE DOUBS (DOUBS) BELLEGARDE (AIN) 244 km

         Ayant grelotté toute la nuit je regrette de n'avoir pas poursuivi. Mais pour la dernière étape je n'ai pas osé prendre de risques. Surtout qu'il pleut toujours dehors ! Il fait encore nuit et j'ai bien du mal à trouver la position idéale (pauvre selle). A 5h30 à CLAIRVAL contrôle chez un boucher (un lève-tôt heureux !).

          Longeant le DOUBS par la N 73 je commence à collectionner les outils : clé à molette, marteau (que je laisse car je suis assez superstitieux) puis plus loin une pince - Un père Noël de circonstance puisque je dois resserrer mes patins ...

          BESANCON : chocolat chaud avec croissants : Pourquoi pas ? ORNANS toujours sous le crachin. Vallée de la LUE ça grimpe sec puis voilà PONTARLIER (ravitaillement). Au lac de ST POINT je casse une dernière croûte. La pluie a cessé et me voici au coeur du JURA. Paysage toujours auusi paisible et naturel. Malheureusement le soleil est absent. Petites routes et innovation avec la D 46 LA COMBE DES CIVES : point culminant à 1140 m. Descente sinueuse sur LE MORBIER puis MOREZ (contrôle). Allez, ne t'arrête pas, le boulot t'attend ce soir ! Et j'entame la longue montée sur LES ROUSSES avec un temps frais et venteux - Col de la FAUCILLE (1320 m) et retour en arrière pour prendre en filature la VALSERINE par la N 491 (LELEX). Là je jette mes dernières banderilles pour arriver à BELLEGARDE frais malgré tout.

          Il est 18h50 le 5ème TOUR est terminé. Il ne me reste qu'à rejoindre COLLONGES et son SALEVE car ce soir il faut remettre la tunique, avec un jour de retard. Excusez ma passion.

Patrick PLAINE 

          Ici se termine le récit de Patrick PLAINE

 

          Note personnelle :

          Quelques semaines avant Patrick Plaine, Jean Richard, un autre habitué des grands défis, avait réalisé son 2ème Tour de France randonneur. Il m'avait, lui aussi, confié un exemplaire du compte-rendu très dense qu'il en avait fait. Peu de temps après il quittait la France. N'ayant plus de contact avec lui je ne publierai pas son récit sans son autorisation. Mais pour vous donner une idée de son parcours, j'ai extrait le résumé des 9 étapes qu'il a publié à la fin de son document :

Paris-Landivisiau :                         814 km                9 et 10/6              38 h 45          21,006 km/h

Landivisiau - Bayonne :                  906 km               11 et 12/6              38 h 45          23,380 km/h

Bayonne - Luz St Sauveur :            227 km               13/6                      12 h 05          18,783 km/h

Luz St Sauveur - L'Hospitalet :     277 km               14/6                      15 h 00          18,466 km/h

L'Hospitalet - Plan du Var :           735 km                15 et 16/6             37 h 20          19,689 km/h

Plan du Var - col d'Izoard :           222 km                17/6                      13 h 05          16,965 km/h

Col d'Izoard - Belfort :                648 km                18 et 19/6              36 h 15          17,875 km/h

Belfort - Lille :                             657 km                20 et 21/6            38 h 30           17,064 km/h

Lille - Paris :                                391 km                22/6                      15 h 55           24,566 km/h  

                          Distance arrondie à 4 877 km

                          Temps total : 328 h 40

                          Temps de sommeil : 97 h 10

                          Réparations : 5 h 20

                          Moyenne générale : 14,839 km/h

                         Temps réellement passé sur la route : 226 h 10

                         Moyenne, arrêts déduits : 21, 560 km/h

 

En 1978 Patrick PLAINE a refait le Tour de France Randonneur, en améliorant le temps de Jean RICHARD,

réussissant à boucler le TDF en 13 jours malgré une très grosse chute dans la descente du Galibier.

Je vais bientôt vous proposer la lecture de son récit.